Le Placard


Témoignages

Vivre sa différence n’est pas chose aisée, il faut déjà s’accepter soi-même et ensuite se faire accepter par les autres. Le coming out est une expérience propre à chacun et peut revêtir diverses formes, voilà pourquoi il est intéressant de prendre connaissance de certains témoignages de gens concernés.

En voici quelques-uns répondant à deux questions clés :

comment avez-vous fait et vécu votre coming out ?
comment vivez-vous votre différence au quotidien ?

Aline, 28ans :
« Mon coming out? il est en partie fait. Je n'ai pas pu le dire à mes parents, j'ai perdu mon père trop tôt et ma mère, je crois, ne s'en est jamais douté, ou bien n'a pas voulu le voir, percevoir les signes. Cette reconnaissance là me manque, vraiment, ça laissera toujours planer un doute, sur mon acceptation, même si on m'a éduquée dans la tolérance par rapport aux autres. Pour le reste de la famille, il y a ceux qui ne sauront pas, une en fait, ma grand-mère. A 87 ans, elle fait partie d'une génération qui ne comprend pas cette préférence, enfin, moi, je pense qu'elle ne le comprendrait pas, donc, elle n'en saura rien. Il y a ceux qui ne savent pas encore : un de mes frères (le seul avec qui j'ai des contacts en fait) à qui je me vois mal l'annoncer au téléphone, "allô? au fait, tu connais la nouvelle? ta frangine est une lesbienne!! ». J'attendrai de l'avoir en face de moi, et comme il est pas encore venu me rendre visite, ça viendra quand ça viendra. Sont pas encore au courant, j'ai pas trouvé la bonne occasion en fait, une de mes cousines (qui doit quand même s'en douter un peu), mon petite cousin et mon parrain, mais eux c'est en principe ma tante qui devrait les mettre au parfum. Ceux qui sont au courant : mon autre cousine, c'est par elle qu'a commencé mon coming out en fait (par le biais d'internet, bon, c'est clair qu'on a fait plus jovial, mais, quand tout a été dit, on pleurait chacune devant notre ordinateur), et ma tante, qui est un peu comme ma deuxième maman; avec elle j'ai pas pu le dire avec ma voix, alors je lui ai écrit une lettre, et je suis restée près d'elle quand elle l'a lue... Mes amis proches, eux, savent aussi ma préférence, ils n'ont fait que suivre mon cheminement, de la chenille vers le papillon, ça ne les a pas surpris. Tout ceux qui me sont proches ne veulent que mon bonheur en fait, et ça , ça réchauffe le coeur…

Pour tous les autres, à qui je ne l'ai pas encore dit, et bien, ils le sauront, quand ils le sauront, et si ça les crispe, c'est leur affaire, pas la mienne…

Comment je vis ma vie d'homo aujourd'hui?Je la vis bien, je pense. J'ai rencontré des gens formidables, qui se posent ou se sont posés les mêmes questions que moi, on fait de nombreuses sorties, ça me permet de sortir un peu de mon train-train quotidien, ce qui est un grand pas, au dire de mes amis. Je vais sans problèmes m'acheter un dvd lesbien ou gay, si j'en ai envie, je ne rougis pas en arrivant à la caisse. Je porte attention à ce qui touche au monde homosexuel, sans m'y investir complètement, mais ça ne me laisse pas indifférente. Je tique évidemment quand une blague homophobe est lancée, à plusieurs reprises, la moutarde m'est montée au nez.

Aujourd'hui, le monde de la communication a fait un grand pas en ce qui concerne l'homosexualité, il y a des téléfilms, des séries, des documentaires, des débats, qui en traitent, et les gens qui bénéficient d'une certaine célébrité ne craignent plus tellement d'afficher leur préférence... »

Yannick, 20ans :
«Mon coming out ? il faudrait que je m’y mette sérieusement une fois! Mes parents ne sont toujours pas au courant, alors bon... Mais j'ai déjà mes amis, qui sont au courant, ils l'ont découvert, lorsque je racontais ma vie. Ils m’ont regardé bêtement et ils m’ont demandé si j’étais homo. J’ai répondu ‘oui’ mais franchement je ne fait jamais intentionnellement un CO, je dis les choses naturellement quand ça vient.
Pour mes parents, mais j'ai une raison précise pour ne pas me lancer, j’ai une mère super chrétienne, et un père "du bon vieux temps" alors je ne sais pas trop quoi faire. J'attends juste de déménager, et de prendre un peu de distance.

Comment je vis ma vie d'homo aujourd'hui? Normalement, je suis un être humain normal, qui a une vie normale, et j'ai des amis normaux, avec qui je fais des chose normales. Franchement, cela n’a rien changé dans ma vie, (sauf lorsque je décide de revivre, j’arpente les forums, les forums gay)»

Hélène, 23ans :
« Mon CO ? Cela va bientôt faire un an que je l’ai dit pour la première fois. J’ai choisi quelqu’un de pas très proche qui maintenant est une très bonne amie : Caro. C est la petite copine d’une amie à moi. J’ai d’abord raconté qu’une copine (que j’ai appelé mademoiselle X) m’avait avoué être attirée par les femmes mais qu’elle n’assumait pas cette préférence. Puis je me suis faite passer pour mademoiselle X sur le net en disant qu’elle était chez moi. Caro ne se doutait donc de rien malgré mes silences à certaines questions qui l’auraient orienté vers moi. Lorsque c’est devenu trop chaud et qu’elle allait me démasquer, mademoiselle X a prétexté un bus à prendre et je suis redevenue moi. Mais il manquait quelque chose car j’avais sorti des choses de moi, je m’étais confessée, mais je n’avais pas sorti le plus gros : que c était moi. Alors j’ai encore mis 1h à lui envoyer des signaux pour dire que c’était moi car elle voulait savoir qui était cette personne mystérieuse appelée mademoiselle X, et finalement c’est sorti. Je ne m’étais jamais sentie aussi bien. J’ai dormi comme un bébé ce soir là, une nuit sereine comme j’en avais pas connu depuis des années.

Mon autre CO important est celui pour ma sœur. Nous passions une après midi shopping et nous étions posé sur la terrasse d’un bar et je parle de Caro et sa moitié. Elle me dit « t’en connais beaucoup quand même des homo, tu n’as jamais pensé à essayer avec une fille ? ». Là, j ai regardé mon verre de bière et j ai dit " ben justement comme tu en parles, je crois que je ne suis pas si hétéro que ça voir pas du tout". Elle m’a souri et m’a tout simplement dit qu’elle s’en doutait car elle me connaissait bien. Elle m’a juste engueulé car elle a dû le demander et que je devais assumer pour être heureuse. Bon je sens quand même parfois qu’elle n’est pas totalement à l’aise quand on aborde l’homosexualité mais rien ne la dérange.

Pour le dire à ma mère, j’ai attendu d’être en couple. C'est peut-être idiot mais je me disais que tant que je n'en avais pas embrassé une fille amoureusement, je n'étais pas entièrement homosexuelle. Cela faisait 2 ou 3 mois que ma mère me lançait des perches pour que je lui avoue mon homosexualité mais je faisais toujours semblant de ne rien voir ou d'être surprise par ce qu'elle me racontait sur une star homo que je connaissais déjà, le tout pour ne pas évoquer les soupçons. Arrive le soir où je fête avec elle mon diplôme, ambiance bonne enfant, alcool... La discussion dérape sur les homosexuels, la gaypride, tout ça, et là elle me demande texto "mais toi, tu es homosexuelle??". Je répond "OUI" dans l'euphorie du moment, puis réalisant la révélation je me suis penché sur mon assiette. Le plus étonnant est qu'elle m'a avoué le savoir depuis que j'ai 6ans. J'étais bouche bée. J'ai alors eu droit aux même conseils qu'elle a donné à ma sœur, ne pas lui ramener n'importe qui, ni toutes mes conquêtes. Elle m'a ensuite dit de ne pas le dire à mon père, "surtout pas". D'ailleurs pour lui je ne suis pas pressée, j'attendrai qu'il ne soit plus trop possible de le cacher.

Pour mes grands-parents j'ai fait le choix de ne jamais leur divulguer ma sexualité. Ils sont de l'ancienne génération, ils ne comprendraient pas, ils me renieraient, ce serait un scandale... Cela leur ferait plus de mal que ça ne me ferait du bien. J'ai bien sûr peur dans certains lieux qu'ils me voient avec ma chérie. Les cousins l'apprendront un jour car je ne tiens pas à passer pour la vieille fille.

Comment je vis ma vie d'homo aujourd'hui? J’ai quasi rien changé sauf que je traîne sur un certain forum gay mais il faudrait que je change plus de choses, histoire de fréquenter le milieu un peu plus. Je le vis bien, ce n’est plus une fatalité. J’ai quasiment trouvé la réponse à "pourquoi le suis je??". Je me sens capable de me défendre et de défendre les homo. Presque l’envie de militer pour les droits et contre les discriminations. Mais j’ai encore besoin de temps pour m’assumer car je n’aime pas trop le milieu.
Je me pose beaucoup de questions. A la dernière fête de ma famille, j'ai eu du mal car j’ai remarqué que je ne pourrai jamais être moi même et faire partager mon bonheur d'être amoureuse. Je devrai attendre qu'il n'y ait plus mes grands parents tout en souhaitant qu'ils restent en vie le plus longtemps possible. Comment réagiront-ils avec mes enfants qui ne seront peut-être pas de ma propre chaire mais de celle de mon amie ? Les considéreront-ils comme leurs petits-enfants et arrière petits-enfants ? Ma sœur acceptera-t-elle d’endosser son rôle de tata ? ma mère celle de grand-mère ? Et mon père de grand-père (et pour lui j’en doute) ?

J’essaye de trouver le courage de le dire à des amis que je connais parfois depuis une longtemps et j’ai peur de leur regard et surtout qu’ils me reprochent de leur avoir menti. Je l’ai dit à mon meilleur ami par le biais d'Internet car devant un écran il est beaucoup plus facile de parler, on est désinhibé. Je me souviens aussi le soir où je l’ai dit à mes plus vieilles amies, je voulais absolument qu'elle l'apprenne de moi, c'était très important par respect pour elles. Je ne les ai pas regardé droit dans les yeux comme je le fait d'habitude et ma gêne les a fait rire. Elles ont été géniales voulant de suite rencontrer ma moitié et ne m’en voulant pas de leur avoir menti ou caché la vérité depuis tant d'années. Elles savent que cela n'est pas facile. Maintenant les gens l'apprennent sans que je leur dise par d'autres gens ou par hasard dans le fil d'une conversation. Et tout ce passe bien pour le moment.

Je ne pense pas qu’on puisse parler d’une vie d’homo, je suis Hélène, avec mon histoire, mon caractère, ma sexualité. C’est un tout, je n’ai pas une vie d’homo mais une vie d être humain ».

Marie, 22ans :
« Mon CO ? Auprès de mes amis, il s'est toujours bien passé sauf une fois avec ma meilleure amie. Je pense qu'on était trop proche et que ça lui a fait peur que je mette des mots sur notre façon d'être. Avec le recul je me dis qu'elle a bien fait de couper les ponts, ça m'a aidé à tirer un trait sur elle, sur le plan amoureux. Sinon mes amis me soutiennent, pour ceux avec qui j'en ai parlé, après ceux qui l'ont appris par quelqu'un d'autre je m'en fiche du moment qu'il me font pas chier et pour l'instant c'est pas le cas! Pour ma famille ça s'est très bien passé, la 1ère a avoir été au courant c'était ma sœur qui a 3 ans de moins que moi ensuite mes parents et enfin mon autre petite sœur qui a 7 ans de moins que moi. Le plus dur ça a été pour ma mère, c'est elle qui est venue vers moi pour que je lui dise après qu'elle ait "trouvé" dans ma poubelle (c'est bien connu on trouve plein de choses dans les poubelles par hasard) une lettre que j'avais écrite pour ma chérie. Les premiers temps ont été dur mais elle ne m'a jamais rien interdit.

Aujourd'hui ça avance petit à petit, je pense qu'elle l'accepte mieux parce qu'elle voit que je suis bien comme ça mais je pense qu'au fond elle espèrera toujours que je devienne "normale" mais je lui en veux pas pour ça. Sinon pour le reste de ma famille il y'a juste ma marraine et son mari qui sont au courant parce que la meilleure amie de ma mère a mouchardé mais c'est bien passé donc y'a pas de problème.

Comment je vis ma vie d'homo aujourd'hui? Je vis plus ouvertement ma vie d'homo. Si j'ai envie d'embrasser ma copine dans un lieu public je le fais sans regarder autour de moi pendant 5 min pour voir si quelqu'un regarde. Je fais des projets avec ma copine, on essaye de vivre comme n'importe quel couple. J'aimerais m'impliquer un peu plus dans la lutte contre l'homo phobie mais peut-être que je ne m'assume pas encore totalement pour pouvoir le faire sans crainte, je pense que ça viendra ».

Virginie 25ans :
« Mon CO ? Tout a commencé par ma grand-mère... je revenais de chez mon docteur et on voyait que j'avais pleuré, alors ma mémé a commencé à me questionner... je disais que ça allait, que c'était rien etc... mais elle insistait, elle avait peur que je retombe en dépression alors j'ai fini par lâcher :" ce que j'ai, ça se soigne pas avec des médicaments".

Elle m'a regardé un instant puis elle m'a dit :" c'est quoi? la solitude?" j'ai dit non, puis elle a donné une liste de raisons possibles puis à un moment elle me sort :" quoi, tu aimes les filles?"

Là, je suis restée un peu con, et du fait que je réponde pas, elle continue : "et alors? c'est pas une tare, regarde mes voisines, elles sont bien lesbiennes! y a pas de quoi pleurer pour ça, ni se torturer les méninges!" je lui ai sauté au cou, elle a été géniale, moi qui avait peur de la blesser ou de la décevoir! mais non, elle a accepté, elle a compris...

Le jour même, elle en a parlé à ma tante, qui a m'a dit que l'essentiel c'était que je me sente bien dans ma peau et que je vive pour moi et que les autres on s'en foutait.

Le jour d'après, ma mémé l'a dit à ma mère sans que je le sache, mais ma mère depuis n'a pas abordé le sujet, il parait que pour elle c'est juste une idée fixe du moment et que ça me passera...

Aujourd'hui, ma mémé l'a dit à mon autre tante, elle m'a encouragé aussi à vivre pour moi, de ne pas avoir honte de ce que je suis, et que je mène ma vie comme je l'entends, parce que de vie on en a qu'une!

Puis je me suis lancée pour en parler à ma sœur, qui m’a dit qu’elle s’en doutait depuis longtemps déjà. J’ai alors abordé le sujet avec mon petit frère, et il a accepté la chose sans problème.

Pour mon père, c’est ma mère qui lui a dit. Il paraît qu’il a mal réagi, il pensait que c’était ma psy qui me mettait ça en tête, il voulait même me faire changer de thérapeute puis il a fini par comprendre.

Je suis soulagée, et mal à l'aise en même temps, parce que je sais que mes parents au courant, et le fait qu'ils n'abordent pas le sujet, je me dis qu’ils ne veulent pas en parler donc j'ose pas le faire.

Comment je vis ma vie d'homo aujourd'hui? Je vis ouvertement ma vie d'homo. Si j'ai envie d'embrasser ma copine dans un lieu public je le fais sans me poser de question, pour moi c’est naturel. J’ai une vie de couple des plus ordinaires avec les mêmes tracas et les mêmes plaisir que connaît un couple d’hétéro. J’essaie de sortir régulièrement dans le milieu et je m’informe des avancés juridiques pour la communauté. Pour cette année 2006, je compte assister à ma première Gay Pride ! ».

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